En Tunisie, arrestation fumeuse d'une figure de la révolution

Soft Secrets
19 May 2014

L'activiste Azyz Amami  interpellé pour détention de cannabis


L'activiste Azyz Amami  interpellé pour détention de cannabis

L'activiste Azyz Amami a été interpellé pour détention de cannabis. Un prétexte, pour ses partisans.

La nouvelle a suscité un vif émoi parmi les militants tunisiens: l’activiste Azyz Amami, figure de la contestation en 2011 et toujours actif depuis, a été interpellé par la police lundi soir en compagnie de son ami photographe Sabri Ben Mlouka, lors d’un contrôle routier ordinaire. Ils ont tous deux été placés en garde à vue. Selon leur avocat Bassem Trifi, ils sont sous le coup d’une investigation pour consommation et détention de cannabis. «La police dit avoir saisi une très petite quantité, Azyz nie qu’elle lui appartienne», explique Bassem Trifi, qui accuse : «Dès que les policiers ont reconnu Azyz, leur attitude a changé et ils l’ont tout de suite fouillé». Selon lui, le jeune homme aurait également reçu des coups, une pratique encore très répandue dans les postes de police.

Sous Ben Ali, Azyz Amami avait milité activement contre la censure. Pendant le soulèvement de 2011, il avait contribué à diffuser des vidéos de la répression, ce qui lui avait valu une semaine d’arrestation. Depuis la chute du dictateur, il a participé à de nombreuses mobilisations. Ces dernières semaines, il était notamment le porte-voix d’un mouvement appelé «Moi aussi, j’ai brûlé un poste de police». Il était récemment l’invité d’une célèbre émission télé, à ce propos. 

La détention et la consommation de cannabis sont sévèrement punies en Tunisie. La loi sur les stupéfiants, dite «loi 52», les sanctionne d’un à cinq ans de prison. Elle dispose aussi que le prévenu ne peut bénéficier de circonstances atténuantes. Ainsi, de simples consommateurs sont quasi automatiquement condamnés à un an de prison. A tel point qu’ils représentent près du tiers des détenus tunisiens, expliquait l’ancien directeur des prisons à Libération, fin 2013, plaidant pour une réforme de cette loi qui engorge les prisons. Etudiée depuis plusieurs années par les autorités, la réforme tarde à voir le jour.

«Attaque orchestrée par la police contre les jeunes de la révolution»

En attendant, de plus en plus de voix dénoncent un instrument aux mains de la police pour mater la jeunesse et la contestation. Un collectif baptisé Al Sajin 52  («Le prisonnier 52») s’est créé en début d’année à la suite de la condamnation de quatre jeunes artistes engagés. «On t’arrête et sans raison, même si tu n’as rien sur toi, on te fait passer des analyses et tu prends un an», s’indignait mardi soir la syndicaliste Hazar Trabelsi, lors d’une petite manifestation de protestation sur l’avenue Bourguiba. «A bas le parti de la police», «ministère de l’Intérieur, ministère de la terreur», criaient les manifestants. «Trois ans après la révolution, les policiers continuent de se comporter à leur guise», dénonçait pour sa part Oujah, rappelant aussi les sentences clémentes récemment prononcées contre les agents impliqués dans la répression de la révolution.

Pour la journaliste Henda Hendoud, membre d’Al Sajin 52, l’interpellation d’Azyz Amami fait partie de «l’attaque orchestrée par la police contre les jeunes de la révolution, dont il est l’un des symboles».«Nous avons recueilli plus de cinquante dossiers de jeunes poursuivis pour avoir participé à la révolution. Ils sont inculpés de troubles à l’ordre public, d’association de malfaiteurs, etc.».

Pour l’heure, Azyz Amami n’a pas été déféré devant la justice et aucune charge n’est encore officiellement retenue contre lui. Si c’était le cas, il aurait peu de chances d’échapper à l’année de prison. Un site a été créé pour réclamer sa libération.

Elodie AUFFRAY

Source: http://www.liberation.fr
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