Le Beauveria bassiana : comment peut-il révolutionner nos cultures ?

12 Jan 2024

Dans le vaste univers des champignons, le Beauveria bassiana se distingue grâce à certaines facultés hors du commun. Ce champignon rentre dans la catégorie des entomopathogènes : il provoque des maladies chez les insectes. Autrefois méconnue du grand public, cette souche fongique représente une potentielle solution d'avenir pour de nombreux défis agricoles.


Par Hortizan

Face à la dépendance croissante à l'égard des pesticides chimiques, aux impacts environnementaux qu'ils engendrent et à l'augmentation des coûts associés, la découverte et l'utilisation du Beauveria bassiana représentent une importance capitale. Mais comment fonctionne-t-il réellement ? Pourquoi est-il plus écologique et économique que d'autres méthodes ? Et pourrait-il réellement remplacer nos pesticides traditionnels ?

Le Beauveria bassiana n'est pas une découverte récente, mais son application en agriculture est relativement nouvelle.

Originaire des sols forestiers, ce champignon entomopathogène a d'abord été étudié pour sa capacité à parasiter divers insectes nuisibles. Son nom commémore l'entomologiste italien Agostino Bassi, qui, au début du XIXe siècle, a été le premier à démontrer qu'un micro-organisme, en l'occurrence un champignon, pouvait causer des maladies chez les insectes. Depuis cette découverte, les recherches ont évolué, passant de simple curiosité scientifique à sujet de recherche très sérieux pour la lutte biologique en agriculture, le Beauveria bassiana se distingue de plus en plus comme un allié auprès de nombreux agriculteurs.

Le Beauveria bassiana, en tant qu'entomopathogène, possède un mode d'action fascinant.

Lorsqu'une spore de ce champignon entre en contact avec un insecte, elle germe et pénètre son exosquelette à l'aide d'enzymes qui décomposent sa cuticule (squelette externe des arthropodes). Une fois à l'intérieur, le champignon prolifère, consommant progressivement l'insecte de l'intérieur. Finalement, l'insecte meurt et le champignon émerge de son corps, produisant de nouvelles spores prêtes à infecter d'autres insectes. En se développant, il émerge sous la forme d’un duvet cotonneux, appelé muscardine (= dragée en languedocien et en provençal), car l’insecte, une fois colonisé, ressemblerait à certaines de ces sucreries.
Outre son mécanisme d'action impressionnant, l'efficacité du Beauveria bassiana est particulièrement notable. Plusieurs études, dont une menée en 2019, ont montré que ce champignon est capable de réduire considérablement les populations d'insectes nuisibles sur diverses cultures. Sa capacité à agir sans nuire aux insectes bénéfiques, comme les coccinelles, lui confère un avantage distinct par rapport aux pesticides chimiques (Evaluation of Biological Insecticides to Manage Cannabis Aphid in CBD Hemp, Kadie E. Britt and Thomas P. Kuhar, 2019). En outre, son coût d'application est souvent inférieur à celui des solutions conventionnelles, il offre ainsi aux agriculteurs une alternative à la fois écologique et économique aux intrants artificiels.

Dans les espaces confinés de la culture d'intérieur, le Beauveria bassiana offre de précieux avantages.

Tout d'abord, sa nature biologique assure une sécurité accrue pour les cultivateurs, éliminant le besoin de manipuler des produits chimiques toxiques qui pourraient nuire à leur santé ou à la qualité des cultures. Ensuite, étant donné que les insectes nuisibles ont une capacité limitée à se disperser dans un environnement intérieur, le champignon agit de manière ciblée et rapide, avec une probabilité accrue d'éradiquer l'infestation. Par rapport à certains pesticides nécessitant une aération après leur application, le Beauveria bassiana se démarque car il n'exige pas de telles interventions, garantissant ainsi la stabilité de l'environnement contrôlé.
Cependant, il faut noter que, du fait de sa sensibilité aux rayonnements ultraviolets et à la sécheresse, le Beauveria bassiana nécessite un taux d'humidité élevé, un critère aisément atteignable en culture d'intérieur. Dans un jardin extérieur, l'application du Beauveria bassiana se fait généralement sous forme de pulvérisation sur les plantes, même si un traitement au sol est dans certains cas plus efficace (Utilisation de Beauveria bassiana contre le charançon de la prune, Conotrachelus nenuphar, CRAM, 2009). La couverture uniforme est essentielle pour maximiser son efficacité contre les insectes nuisibles. Les périodes idéales d'application sont le matin ou le soir, évitant ainsi la chaleur directe du soleil qui pourrait réduire l'efficacité des spores. Bien que le Beauveria bassiana soit spécifiquement pathogène pour les insectes, il convient de protéger les insectes bénéfiques en évitant de pulvériser directement sur eux.

Face au Beauveria bassiana, d'autres méthodes de lutte contre les parasites en agriculture ont longtemps dominé le marché.

Les pesticides chimiques, par exemple, ont été les plus couramment utilisés en raison de leur action rapide. Cependant, leur utilisation répétée peut entraîner une résistance des parasites, sans parler des résidus toxiques laissés sur les récoltes et des conséquences néfastes pour l'environnement. Le pyrèthre, insecticide naturel dérivé des fleurs de chrysanthème, est une méthode populaire bien connue de tous. Bien qu'il soit moins nocif que les pesticides chimiques, son coût d'acquisition peut être élevé, et certains insectes y développent également une résistance. Les huiles essentielles, utilisées pour repousser ou tuer les insectes, peuvent être également efficaces mais nécessitent souvent des applications fréquentes et peuvent affecter le goût et l'odeur des récoltes. En comparaison, le Beauveria bassiana présente des avantages distincts. Il est non seulement naturel et respectueux de l'environnement, mais sa capacité à réguler durablement les populations de parasites sans engendrer de résistance connue lui confère un avantage compétitif.

La quête d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement et durable nous conduit à explorer des solutions innovantes.

Le Beauveria bassiana s'affirme ainsi comme solution alternative prometteuse face aux méthodes conventionnelles de lutte contre les ravageurs. Son action ciblée, son efficacité prouvée, combinées à son profil écologique, le placent au centre des discussions sur l'avenir de la protection des plantes. Pour les jardiniers et les agriculteurs qui cherchent à concilier production et préservation de la biodiversité, ce champignon pourrait bien être la réponse tant attendue. Son rôle dans l'agriculture de demain pourrait être déterminant.